- 13 Dec, 2025 *

Lâhistoire des systĂšmes dâexploitation chez Google a longtemps Ă©tĂ© dĂ©finie par une dichotomie fondamentale, presque philosophique. Dâun cĂŽtĂ©, Android, le gĂ©ant mobile, conçu pour lâinteraction tactile, lâimmĂ©diatetĂ© et une architecture applicative fragmentĂ©e, a conquis le monde avec des milliards dâutilisateurs actifs. De lâautre, ChromeOS, nĂ© dâune vision minimaliste oĂč le navigateur web est au centre du systĂšme, a su sâimposer comme une forteresse imprenable dans le secteur Ă©ducatif amĂ©ricain grĂące Ă sa sĂ©curitĂ©, sa simplicitĂ© de gestion et sa lĂ©gĂšretĂ©. Pendant plus dâune dĂ©cennie, ces deux entitĂ©s ont Ă©voluĂ© en parallĂšle, se croisant parfois âŠ
- 13 Dec, 2025 *

Lâhistoire des systĂšmes dâexploitation chez Google a longtemps Ă©tĂ© dĂ©finie par une dichotomie fondamentale, presque philosophique. Dâun cĂŽtĂ©, Android, le gĂ©ant mobile, conçu pour lâinteraction tactile, lâimmĂ©diatetĂ© et une architecture applicative fragmentĂ©e, a conquis le monde avec des milliards dâutilisateurs actifs. De lâautre, ChromeOS, nĂ© dâune vision minimaliste oĂč le navigateur web est au centre du systĂšme, a su sâimposer comme une forteresse imprenable dans le secteur Ă©ducatif amĂ©ricain grĂące Ă sa sĂ©curitĂ©, sa simplicitĂ© de gestion et sa lĂ©gĂšretĂ©. Pendant plus dâune dĂ©cennie, ces deux entitĂ©s ont Ă©voluĂ© en parallĂšle, se croisant parfois â via lâexĂ©cution dâapplications Android sur ChromeOS ou des tentatives timides de modes bureau sur Android â sans jamais vĂ©ritablement fusionner. Cette Ăšre de coexistence sĂ©parĂ©e touche aujourdâhui Ă sa fin.
LâĂ©mergence du projet "Aluminium OS", rĂ©vĂ©lĂ©e par une sĂ©rie de fuites techniques, dâoffres dâemploi stratĂ©giques et dâanalyses de code au sein de lâAndroid Open Source Project (AOSP), marque le dĂ©but dâune transformation tectonique pour la division plateformes de Google. Il ne sâagit plus dâune simple mise Ă jour ou dâun rapprochement cosmĂ©tique, mais dâune refonte structurelle visant Ă unifier les efforts de dĂ©veloppement sous une seule banniĂšre technologique : celle dâAndroid. La question nâest plus de savoir si ChromeOS va disparaĂźtre, mais comment son hĂ©ritage â la sĂ©curitĂ©, la gestion de flotte, lâexpĂ©rience de bureau â va ĂȘtre transmutĂ© dans un nouvel environnement dominĂ© par la pile logicielle mobile et lâintelligence artificielle gĂ©nĂ©rative.
La genĂšse dâAluminium
Pour comprendre la portĂ©e du projet Aluminium, il est impĂ©ratif de le replacer dans le contexte des tentatives prĂ©cĂ©dentes de Google pour rĂ©soudre son "problĂšme de bureau". Depuis 2016, les rumeurs dâun projet "Andromeda" suggĂ©raient dĂ©jĂ une fusion, mais Google avait alors optĂ© pour une stratĂ©gie dâintĂ©gration progressive : porter le Google Play Store sur ChromeOS. Cette approche, bien que fonctionnelle, a créé une dette technique considĂ©rable. ChromeOS est devenu un systĂšme "Frankenstein", exĂ©cutant un noyau Linux de type serveur/desktop, par-dessus lequel tourne le navigateur Chrome, Ă cĂŽtĂ© dâun conteneur exĂ©cutant le framework Android, et dâune machine virtuelle pour Linux.
Aluminium OS, dont le nom de code a Ă©tĂ© confirmĂ© par une offre dâemploi pour un "Senior Product Manager" basĂ© Ă Taipei, reprĂ©sente une rupture avec cette mĂ©thode additive. Le descriptif du poste mentionne explicitement le dĂ©veloppement dâun "nouvel Aluminium, systĂšme dâexploitation basĂ© sur Android" et une stratĂ©gie de transition pour "passer de Google ChromeOS Ă Aluminium avec une continuitĂ© des affaires". Lâutilisation du suffixe "-ium" (Ă©voquant Chromium) et du mĂ©tal (Ă©voquant la soliditĂ© et le matĂ©riel premium) suggĂšre une volontĂ© de conserver une filiation spirituelle avec ChromeOS tout en changeant radicalement de moteur.
Contrairement au projet Fuchsia OS, qui tentait de repartir dâune page blanche avec un nouveau micro-noyau Zircon, Aluminium est une approche pragmatique. Google a rĂ©alisĂ© que reconstruire un Ă©cosystĂšme dâapplications complet pour un nouvel OS est une tĂąche sisyphĂ©enne. Android dispose dĂ©jĂ de cet Ă©cosystĂšme. Le dĂ©fi dâAluminium nâest donc pas de crĂ©er un OS, mais de transformer Android en un systĂšme dâexploitation de bureau crĂ©dible, capable dâabsorber les fonctionnalitĂ©s de ChromeOS. Les annonces faites lors du Snapdragon Summit en septembre 2025, confirmant lâarrivĂ©e dâAndroid sur le marchĂ© PC en collaboration avec Qualcomm, ne sont que la partie Ă©mergĂ©e de cet iceberg.
Rupture architecturale
La diffĂ©rence fondamentale entre ChromeOS et le futur Aluminium OS rĂ©side dans leur architecture profonde. ChromeOS, dans sa version actuelle (parfois dĂ©signĂ©e comme "ChromeOS Classic" dans les rapports de bugs), est une distribution Linux dĂ©rivĂ©e de Gentoo. Elle utilise le systĂšme de gestion de paquets Portage pour sa construction, le systĂšme dâinit Upstart (historiquement), et sâappuie sur une stack graphique spĂ©cifique (Freon/Ozone) optimisĂ©e pour le rendu web via le navigateur Chrome.
Aluminium OS, Ă©tant "basĂ© sur Android", implique lâadoption de la "stack Android" complĂšte. Au niveau du noyau (Kernel), cela signifie lâutilisation de lâAndroid Common Kernel (ACK). Bien que ChromeOS et Android utilisent tous deux Linux, leurs noyaux ont divergĂ© au fil des ans. Le noyau Android intĂšgre des patchs spĂ©cifiques pour la gestion de lâĂ©nergie (wakelocks), la gestion de la mĂ©moire (Low Memory Killer Daemon - LMKD) et la communication inter-processus (Binder). Google a annoncĂ© dĂšs juin 2024 que ChromeOS commencerait Ă adopter le noyau Android pour "simplifier lâingĂ©nierie" et accĂ©lĂ©rer lâintĂ©gration des nouvelles puces. Avec Aluminium, cette convergence est totale : il nây aura plus quâun seul noyau Ă maintenir pour les tĂ©lĂ©phones, les tablettes et les ordinateurs portables.
Au-dessus du noyau, la rupture est encore plus nette dans lâespace utilisateur (userspace). ChromeOS utilise la glibc (bibliothĂšque C GNU standard), ce qui le rend compatible avec la plupart des binaires Linux standards. Android utilise Bionic, sa propre bibliothĂšque C optimisĂ©e pour la taille et la vitesse sur mobile. Le passage Ă Aluminium signifie que lâenvironnement natif de lâordinateur ne sera plus un environnement GNU/Linux traditionnel, mais un environnement Android. Le gestionnaire dâaffichage ne sera plus le compositeur de Chrome, mais SurfaceFlinger, le compositeur dâAndroid. Le systĂšme dâinit sera celui dâAndroid. Pour lâutilisateur final, cela pourrait ĂȘtre transparent, mais pour lâingĂ©nieur systĂšme, câest un changement de paradigme : on passe dâun systĂšme qui lance un navigateur web comme interface principale Ă un systĂšme qui lance un framework dâapplications (ART - Android Runtime) gĂ©rant des activitĂ©s et des fenĂȘtres.
La réinvention du bureau
Le scepticisme historique envers Android sur PC provenait de son interface inadaptĂ©e au clavier et Ă la souris. Aluminium OS sâappuie sur les avancĂ©es massives introduites dans Android 16 et prĂ©vues pour Android 17 (nom de code "Cinnamon Bun") pour combler cette lacune. Google dĂ©veloppe un vĂ©ritable "mode bureau" natif, loin des tentatives expĂ©rimentales cachĂ©es dans les options dĂ©veloppeurs des annĂ©es prĂ©cĂ©dentes.
Les nouvelles API de gestion de fenĂȘtres ("Desktop Windowing") introduites dans les versions bĂȘta dâAndroid 16 permettent enfin un redimensionnement libre et arbitraire des fenĂȘtres, la gestion du chevauchement (z-ordering) complexe, et surtout, la persistance des Ă©tats. Sur un smartphone, lâOS tue agressivement les processus en arriĂšre-plan pour Ă©conomiser la batterie. Sur un PC Aluminium, lâOS devra maintenir des douzaines de fenĂȘtres actives simultanĂ©ment. Les fuites indiquent que Google a réécrit une partie du gestionnaire de tĂąches pour supporter le "tiling" (agencement automatique des fenĂȘtres) et une barre des tĂąches ("taskbar") avec une zone de dĂ©bordement, fonctionnant exactement comme sur Windows ou macOS.
Lâinterface utilisateur adoptera le langage "Material 3 Expressive", conçu pour ĂȘtre plus dense et informatif sur grand Ă©cran. Les interactions Ă la souris sont revues : survol (hover), clic droit contextuel, et raccourcis clavier globaux deviennent des citoyens de premiĂšre classe. Contrairement Ă Samsung DeX qui est une surcouche propriĂ©taire, ces capacitĂ©s sont intĂ©grĂ©es au cĆur dâAOSP, garantissant que toutes les applications Android, mĂȘme celles non optimisĂ©es, pourront ĂȘtre fenĂȘtrĂ©es correctement grĂące Ă des "traitements de compatibilitĂ©" automatiques imposĂ©s par le systĂšme. Aluminium OS nâest donc pas un Android Ă©tirĂ©, mais une nouvelle expression dâAndroid capable de muter son interface selon le pĂ©riphĂ©rique dâentrĂ©e.
Le problĂšme du navigateur et la solution Ferrochrome
Le point dâachoppement critique de toute transition de ChromeOS vers Android a toujours Ă©tĂ© le navigateur. Sur ChromeOS, le navigateur est une instance "Desktop" complĂšte, supportant les extensions, les outils de dĂ©veloppement (DevTools) et le rendu de pages complexes. Sur Android, Chrome est une version mobile, dĂ©pourvue de support dâextensions et souvent limitĂ©e par le moteur WebView. Pour quâAluminium OS rĂ©ussisse, il doit offrir une expĂ©rience de navigation de classe bureautique.
Câest ici quâintervient le projet "Ferrochrome" et les dĂ©veloppements rĂ©cents autour de "Chrome Desktop sur Android". Google a travaillĂ© sur le portage de la version Linux de Chromium pour quâelle sâexĂ©cute directement sur Android, en utilisant les nouvelles capacitĂ©s de virtualisation ou en adaptant le moteur graphique. Les rapports rĂ©cents confirment que Google prĂ©pare une version de Chrome pour Android supportant nativement les extensions (.crx), une fonctionnalitĂ© jusquâalors bloquĂ©e pour prĂ©server le modĂšle Ă©conomique publicitaire sur mobile.
Avec Aluminium OS, lâapplication Chrome ne sera plus une simple application Android parmi dâautres, mais probablement une instance privilĂ©giĂ©e, optimisĂ©e pour tirer parti de lâaccĂ©lĂ©ration matĂ©rielle directe. Si le portage natif sâavĂšre insuffisant, Google dispose de la technologie AVF (Android Virtualization Framework) pour faire tourner une instance de ChromeOS (et donc de Chrome Desktop) Ă lâintĂ©rieur dâune machine virtuelle hautement optimisĂ©e, transparente pour lâutilisateur. Cela garantirait une compatibilitĂ© Ă 100% avec le web moderne, condition sine qua non pour remplacer les Chromebooks en entreprise.
Virtualisation et survie de lâĂ©cosystĂšme Linux (Crostini 2.0)
Lâun des atouts majeurs de ChromeOS est "Crostini", le conteneur Linux qui permet aux dĂ©veloppeurs dâutiliser des outils en ligne de commande, des Ă©diteurs de code comme VS Code, et des environnements Docker. La transition vers une base Android soulĂšve des inquiĂ©tudes : Android est traditionnellement plus verrouillĂ© et nâoffre pas dâaccĂšs facile Ă un shell root ou Ă un environnement Linux standard.
Cependant, lâintroduction de lâAndroid Virtualization Framework (AVF) dans les versions rĂ©centes dâAndroid offre une solution Ă©lĂ©gante et plus robuste que lâactuel Crostini. Sur ChromeOS, Crostini utilise lâhyperviseur KVM (Kernel-based Virtual Machine) du noyau Linux hĂŽte. Sur Aluminium OS, AVF standardise lâaccĂšs Ă la virtualisation protĂ©gĂ©e. Google a dĂ©jĂ dĂ©montrĂ© une application "Terminal" native pour Android capable de lancer une image Debian complĂšte via AVF, avec support de lâaccĂ©lĂ©ration graphique (GPU passthrough).
Cette nouvelle architecture de virtualisation pourrait ĂȘtre supĂ©rieure Ă lâactuelle. AVF est conçu pour lâisolation stricte, ce qui permettrait Ă Google de laisser les dĂ©veloppeurs exĂ©cuter nâimporte quel OS invitĂ© (Linux, et potentiellement Windows 11 on ARM) sans compromettre la sĂ©curitĂ© du systĂšme hĂŽte Android. Pour lâutilisateur final, cela signifie que la fonctionnalitĂ© "Linux sur Chromebook" ne disparaĂźtra pas ; elle Ă©voluera vers "Linux sur Aluminium", potentiellement plus performante grĂące Ă une meilleure intĂ©gration avec le matĂ©riel via les API de virtualisation modernes dâAndroid.
Stratégie matérielle : montée en amme et Projet "Snowy"
Aluminium OS ne se contentera pas de remplacer le logiciel des Chromebooks existants ; il doit accompagner une montĂ©e en gamme matĂ©rielle. Les documents internes rĂ©vĂšlent une segmentation explicite des futurs appareils : "AL Entry" pour lâentrĂ©e de gamme, mais surtout "AL Mass Premium" et "AL Premium". Cette nomenclature trahit lâambition de Google de sortir de la niche des ordinateurs Ă bas coĂ»t pour attaquer frontalement le MacBook Air et les Surface Laptop.
Cette ambition est corroborĂ©e par les rumeurs concernant un "Pixel Laptop" portant le nom de code "Snowy". ComparĂ© en interne aux machines de Dell (XPS) et dâApple, ce laptop serait le porte-Ă©tendard dâAluminium OS. Il est probable que cet appareil soit propulsĂ© par une puce conçue par Google (Tensor) ou par les nouvelles puces Snapdragon X Elite de Qualcomm, scellant lâalliance annoncĂ©e au Snapdragon Summit. Lâarchitecture ARM est au cĆur de cette stratĂ©gie : Android est nativement optimisĂ© pour ARM, et lâefficacitĂ© Ă©nergĂ©tique de cette architecture permet des designs fins, sans ventilateur, avec une autonomie de plusieurs jours, ce qui correspond parfaitement Ă la vision "mobile-first" dâAluminium.
Lâexistence de tiers "Premium" indique aussi que Google souhaite sĂ©duire les crĂ©atifs et les cadres, des segments de marchĂ© qui ont toujours boudĂ© ChromeOS en raison du manque dâapplications professionnelles natives (Adobe Premiere, AutoCAD). Avec Android comme base, lâespoir est que les Ă©diteurs porteront plus volontiers leurs applications tablettes/desktop vers Aluminium, bĂ©nĂ©ficiant dâune base installĂ©e potentielle immense (incluant les tablettes et les pliables), contrairement Ă ChromeOS qui restait un marchĂ© de niche pour les dĂ©veloppeurs natifs.
LâIntelligence artificielle comme catalyseur systĂ©mique
Pourquoi opĂ©rer cette fusion maintenant, aprĂšs des annĂ©es dâhĂ©sitation? La rĂ©ponse tient en deux lettres : IA. Google est engagĂ© dans une course existentielle contre OpenAI et Microsoft. Pour gagner, Google doit dĂ©ployer ses modĂšles Gemini partout. Or, maintenir deux pipelines dâintĂ©gration dâIA â un pour Android, un pour ChromeOS â est inefficace et coĂ»teux. Fusionner les plateformes permet de concentrer les efforts dâingĂ©nierie.
Aluminium OS est dĂ©crit comme Ă©tant "construit avec lâIA au cĆur". Cela dĂ©passe le simple ajout dâun chatbot. Il sâagit dâintĂ©grer Gemini Nano directement dans le systĂšme dâexploitation pour gĂ©rer des tĂąches complexes en local (on-device). LâaccĂšs direct au NPU (Neural Processing Unit) via la stack Android est plus mature que sur ChromeOS. Les fonctionnalitĂ©s envisagĂ©es incluent la comprĂ©hension sĂ©mantique de lâĂ©cran (le systĂšme "voit" ce que vous faites et propose de lâaide), la recherche universelle intelligente (retrouver un document par son concept et non son nom), et la gestion proactive des ressources.
Pour les entreprises, cette IA native pourrait transformer la gestion de flotte. Imaginez un systĂšme MDM (Mobile Device Management) capable de diagnostiquer et rĂ©parer automatiquement des problĂšmes logiciels sur des milliers de machines grĂące Ă des agents IA locaux, rĂ©duisant drastiquement les coĂ»ts de support IT. Câest un argument de vente puissant pour le marchĂ© "AL Premium" que Google vise.
Le dĂ©fi de la migration en entreprise et dans le secteur de lâĂ©ducation
Câest ici que rĂ©side le plus grand pĂ©ril pour Google. Le secteur de lâĂ©ducation (K-12) dĂ©pend de ChromeOS pour sa simplicitĂ© de gestion via la Google Admin Console. Les Ă©coles achĂštent des Chromebooks parce quâils sont "inviolables" et faciles Ă rĂ©initialiser. Migrer ce parc vers un OS basĂ© sur Android, perçu comme plus ouvert et potentiellement plus complexe Ă sĂ©curiser, est risquĂ©.
Google a prĂ©vu le coup en insistant sur la "continuitĂ© des affaires". Cela implique que les outils de gestion dâAluminium OS devront ĂȘtre identiques, ou rĂ©tro-compatibles, avec ceux de ChromeOS. Actuellement, les API de gestion dâAndroid (Android Management API) et de ChromeOS sont distinctes. La fusion des OS entraĂźnera inĂ©vitablement une fusion des consoles dâadministration. Google devra prouver aux administrateurs scolaires quâun PC Aluminium peut ĂȘtre verrouillĂ© aussi efficacement quâun Chromebook.
La transition sera progressive. Les documents suggĂšrent une coexistence des deux systĂšmes pendant une pĂ©riode indĂ©terminĂ©e. Les appareils existants continueront de tourner sous "ChromeOS Classic" jusquâĂ leur date dâexpiration des mises Ă jour automatiques (AUE), tandis que les nouveaux modĂšles sortiront sous Aluminium. Il est Ă©galement possible que Google propose un "upgrade" optionnel pour les Chromebooks rĂ©cents et puissants (comme les Chromebook Plus), remplaçant ChromeOS par Aluminium via une mise Ă jour OTA massive, transformant ainsi le matĂ©riel existant en nouvelles machines Android de bureau.
Positionnement stratégique face à Apple et Microsoft
Avec Aluminium OS, Google aligne enfin sa stratĂ©gie sur celle de ses concurrents, tout en choisissant une voie unique. Apple garde macOS et iPadOS sĂ©parĂ©s, bien quâils se rapprochent. Microsoft tente dâimposer Windows sur ARM. Google choisit la fusion totale : un seul OS pour le mobile et le bureau. Câest le pari que le paradigme mobile (architecture ARM, applications sandboxĂ©es, mises Ă jour transparentes, connectivitĂ© permanente) est lâavenir de lâordinateur personnel.
Cette stratĂ©gie vise Ă contrer la menace croissante de lâiPad, qui devient de plus en plus un remplacement dâordinateur pour les Ă©tudiants, et celle des PC Windows "Copilot+" qui promettent lâautonomie et lâIA que les Chromebooks offraient jadis seuls. En unifiant Android et ChromeOS, Google crĂ©e une plateforme avec une base installĂ©e thĂ©orique de 3 milliards dâutilisateurs (Android) capable de sâĂ©tendre vers le haut (Desktop), plutĂŽt que dâessayer de pousser un OS de niche (ChromeOS) vers le bas.
LâintĂ©gration de lâĂ©cosystĂšme est aussi un facteur clĂ©. La fonctionnalitĂ© "Cross-Device Services" dâAndroid permet dĂ©jĂ le partage de connexion, le streaming dâapplications et le copier-coller universel entre un tĂ©lĂ©phone Android et un Chromebook. Avec Aluminium, cette intĂ©gration sera native et sans friction, car les deux appareils parleront le mĂȘme langage systĂšme, partageant le mĂȘme noyau et les mĂȘmes frameworks.
Sécurité, souveraineté et avenir open source
Un aspect souvent nĂ©gligĂ© est lâimpact sur la communautĂ© Open Source. ChromeOS est basĂ© sur ChromiumOS, un projet relativement ouvert que lâon peut compiler et installer (via des forks comme CloudReady, avant son rachat). Android, bien quâopen source via AOSP, est en rĂ©alitĂ© difficilement utilisable sans la couche propriĂ©taire des Google Mobile Services (GMS).
Le passage Ă Aluminium OS pourrait signifier une fermeture accrue de la plateforme. Si le dĂ©marrage sĂ©curisĂ© (Verified Boot) dâAndroid est appliquĂ© strictement aux PC, il deviendra trĂšs difficile dâinstaller un autre systĂšme dâexploitation (comme une distribution Linux standard ou Windows) sur le matĂ©riel Google, contrairement aux Chromebooks actuels qui disposent souvent dâun mode dĂ©veloppeur permettant de flasher un BIOS alternatif. Cela soulĂšve des questions de souverainetĂ© numĂ©rique : les institutions qui apprĂ©ciaient ChromeOS pour sa base Linux standard pourraient voir dâun mauvais Ćil le passage Ă un systĂšme Android plus opaque et contrĂŽlĂ© verticalement par Google.
Cependant, Google pourrait arguer que la sĂ©curitĂ© dâAndroid, avec son sandboxing applicatif strict et son systĂšme de permissions granulaire, est supĂ©rieure Ă celle des OS de bureau traditionnels face aux malwares modernes. Lâavenir dira si Google laissera une porte ouverte aux bidouilleurs et aux dĂ©veloppeurs, ou si Aluminium scellera dĂ©finitivement le matĂ©riel Google dans un jardin clos.
Lâobsolescence programmĂ©e de ChromeOS
Ă la lumiĂšre des Ă©lĂ©ments techniques, stratĂ©giques et Ă©conomiques analysĂ©s, la rĂ©ponse Ă la question "Quel est lâavenir de ChromeOS ?" est sans Ă©quivoque : ChromeOS, en tant que systĂšme dâexploitation distinct basĂ© sur Gentoo Linux, nâa pas dâavenir Ă long terme. Il est destinĂ© Ă ĂȘtre absorbĂ©, digĂ©rĂ© et remplacĂ© par Aluminium OS.
Ce constat ne doit pas ĂȘtre lu comme un Ă©chec de ChromeOS, mais comme lâaboutissement de sa mission. ChromeOS a prouvĂ© que le monde Ă©tait prĂȘt pour un ordinateur cloud-first, sĂ©curisĂ© et simple. Aujourdâhui, Google estime quâAndroid a suffisamment mĂ»ri pour reprendre ce flambeau et le porter plus loin, vers des usages plus polyvalents et performants que le web seul ne peut offrir. La transition sera longue, complexe, et parsemĂ©e de dĂ©fis techniques â notamment la reproduction de la qualitĂ© du navigateur Desktop sur Android et la gestion sans faille de la flotte existante.
Lâhorizon 2026-2027 verra lâĂ©mergence des premiers appareils Aluminium natifs. Pour les DSI, les dĂ©veloppeurs et les utilisateurs, le message est clair : prĂ©parez-vous Ă un monde oĂč votre "Chromebook" sera en rĂ©alitĂ© une puissante tablette Android avec un clavier, propulsĂ©e par lâIA, et oĂč la distinction entre votre tĂ©lĂ©phone et votre ordinateur ne sera plus quâune question de taille dâĂ©cran. ChromeOS est mort, vive Aluminium.
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