Salut Lucide, merci pour ce long commentaire qui me donne un grain à moudre infini depuis 10 jours. Je profite d’une fin d’après-midi en écoutant le dernier Ethel Cain et en sirotant un Earl Grey sans théine pour rebondir sur certains points.
quand (…) je parle avec les personnes qui publient activement, ce ne sont pas les « mêmes ». Sûrement parce qu’elles sont des figures publiques et ont une sorte de rôle à jouer. Les publications que l’on produit sur nos réseaux sont devenues des réclames permanentes puisque nous sommes beaucoup à avoir perdu le caractère spontané du partage sur Internet.
L’expression des réclames permanentes m’a piquée. Ça fait écho à ce texte de La Mouette…
Salut Lucide, merci pour ce long commentaire qui me donne un grain à moudre infini depuis 10 jours. Je profite d’une fin d’après-midi en écoutant le dernier Ethel Cain et en sirotant un Earl Grey sans théine pour rebondir sur certains points.
quand (…) je parle avec les personnes qui publient activement, ce ne sont pas les « mêmes ». Sûrement parce qu’elles sont des figures publiques et ont une sorte de rôle à jouer. Les publications que l’on produit sur nos réseaux sont devenues des réclames permanentes puisque nous sommes beaucoup à avoir perdu le caractère spontané du partage sur Internet.
L’expression des réclames permanentes m’a piquée. Ça fait écho à ce texte de La Mouette que j’ai lu ce matin sur Substack :
(…) il y a quelques années quand les blogs étaient à leur apogée (…) ça ne me dérangeait pas de signaler à tout le monde que “venez voir j’ai écrit quelque chose !” (…). Aujourd’hui je ne suis plus du tout à l’aise avec ça, ça m’ennuie un peu de devoir aller presque quémander que l’on me lise alors que ce n’est pas si important que ça.
Je sais qu’elle parle de la blogosphère et toi des réseaux sociaux, mais pour moi il y a une dynamique commune autour du « (se) donner à voir ». Même si au fond, je crois que c’est l’élan de publier soi-même quelque chose sur Internet qui me questionne, davantage que la volonté de vouloir faire connaître ce quelque chose (je trouve ça logique). Je digresse déjà…
Je me suis rendu compte que j’étais beaucoup plus à l’aise à l’écrit qu’à l’oral et ça me permettait de conserver une forme de pudeur. Je pouvais ainsi écrire sur un sujet que nul n’était obligé de lire alors que je ne suis pas sûre de distinguer si une personne veut entendre.
Ce passage m’a beaucoup touchée. Je m’y reconnais par ricochet, car, comme toi, écrire a toujours été plus simple pour moi que parler et même que « m’incarner ».
J’aime l’idée que lire ce que nous publions sur le net ne soit une obligation pour personne, qu’il est possible à tout moment d’interrompre sa lecture, de se désabonner et de nous oublier, sans avoir à se justifier.
C’est quelque chose que j’ai toujours eu à cœur de rendre et laisser possible sur mon blog en tout cas : no strings attached. Tant de mon côté (pouvoir disparaître des mois voire même une année entière si je veux), que de celui des personnes qui lisent mon blog.
Cet espèce d’accord tacite pour conserver nos libertés est ce qui, pour moi, fait la plus grande différence avec les plateformes sociales, où tu es toujours tracké·e quoi que tu fasses.
D’ailleurs, ça me fait une transition parfaite avec un autre point que tu abordes : le fait de savoir qui a consulté tes stories, et de constater que certaines personnes de ton passé continuent à les consulter alors que vous n’échangez plus ou presque. Je me demande si cette fonctionnalité (savoir précisément qui a consulté quoi, et combien de fois) nous rend vraiment service ; j’ai tendance à penser que non.
Enfin, ce que tu dis à propos des stories consommées aussi vite qu’elles sont oubliées, c’est très vrai. Pour moi, c’est symptomatique de ce que les plateformes sociales commerciales attendent de nous : divertir leurs utilisateurs et utilisatrices.
D’où l’intérêt si tu veux voir ton nombre d’abonnés grimper de suivre des « trends » (insérer ici un petit dégueulis), toutes plus idiotes les unes que les autres. (On critique beaucoup – à juste titre – le coût écologique des iA, mais je m’étonne que soit rarement évoqué celui des milliards de vidéos à la con publiées chaque jour sur les réseaux.)
Et je pense que c’est de là d’où vient le fait que tant d’artistes se plaignent sans fin que leurs publications ne sont pas vues : parce qu’iels ne jouent pas le jeu de ces plateformes. C’est un peu comme si on attendait que TF1 joue le rôle d’une librairie indé ou d’une galerie spécialisée : ça ne peut tout simplement pas fonctionner.
J’ai tiré le fil de différentes pelotes, m’éloignant du sujet initial qui était la survivance de nos amitiés IRL à l’épreuve d’Internet ; mais je crois que toutes ces problématiques sont liées, à plus forte raison parce qu’à l’heure actuelle ce sont souvent ces plateformes sociales commerciales qui nous permettent de rester le plus en contact avec autrui. Loin d’être neutres, ces outils contribuent à nos vécus et ressentis amicaux. (Loin de moi d’ouvrir le dossier « famille », mais il y aurait aussi beaucoup à dire à ce sujet.)